Dans un livre intitulé « La Vézère », j’ai tenté d’expliquer les paysages, et donc les reliefs a priori creusés par les rivières. Le sujet s’avère plus complexe qu’il n’y parait, si les cours d’eau participent au creusement des vallées, l’érosion, par de multiples facteurs, y joue un rôle prépondérant.
À la mi-octobre, j’ai posé mes valises dans le pays de Morlaix que je connaissais peu. Là, j’ai remarqué une franche similitude entre les topographies de Morlaix et de Tulle. Cela peut surprendre pour villes si éloignées par leur situation géographique et leur environnement, elles ont des similitudes remarquables.
La première est la préfecture de la Corrèze, située au pied du plateau de Millevaches, à l’ouest du Massif central. L’autre est la sous-préfecture au nord du Finistère, au bord de la Manche, c’est un port qui a connu son heure de gloire. Ces deux villes présentent plusieurs points communs, une population de moins de 15 000 habitants, une forte histoire industrielle et syndicale organisée autour d’une manufacture, d’armes pour la première, de tabac pour la seconde. Toutes deux ont subi les exactions de l’armée allemande, avec des otages exécutés ou envoyés en déportation.
Mais l’aspect le plus remarquable de ces deux villes, c’est leur situation. On est habitué à voir les villes situées dans des plaines ou sur des hauteurs au-dessus de rivières, mais pour ces deux villes, le cœur de leurs cités est développé au fond d’une vallée étroite dominée par de forts reliefs, donc dans des gorges. En conséquence, elles subissent des crues aussi récurrentes qu’inéluctables ; ces fléaux dramatiques sont hérités de la configuration des lieux.
L’histoire des villes n’obéit pas à des règles rationnelles, elles croissent en général à partir d’un noyau unique (il y a des exceptions), puis se développe dans l’espace disponible autour d’elles. Tels des arbres qui s’agrippent à flanc de falaise, ces deux cités occupent d’inconfortables fonds de vallée étroite, et pourtant elles s’y accrochent. En conséquence, quand des précipitations importantes arrosent leur bassin versant, soit toutes les surfaces en amont, les eaux y convergent automatiquement. Les inondations y sont aussi inéluctables que logiques, et les solutions proposées pour s’en prémunir sont rarement pertinentes.
Une étude récente de la Caisse centrale de réassurance souligne les bienfaits des plans de prévention des risques liés aux inondations, en limitant les constructions dans les surfaces sensibles. Ces solutions ne sont pas applicables ici, tant à Tulle qu’à Morlaix, toutes les zones inondables sont déjà bâties.
Ponts et viaducs
De par leur situation au fond de gorges, Tulle et Morlaix possèdent de nombreux ouvrages pour adoucir le relief et franchir les cours d’eau.
Les viaducs sont emblématiques de Morlaix, surtout le premier, le ferroviaire de 1865, de 62 mètres de hauteur et une portée de 292 mètres, ce monument est le plus important de la ligne Paris-Brest, il a été édifié en seulement deux années, partiellement en pierres de taille, et a un petit côté pont du Gard. Construit en plein centre-ville, devant la mairie, il a nécessité la démolition d’anciens bâtiments. Ses piles à leur base ont une largeur de 19,36 mètres, aujourd’hui, il est encore emprunté par les TGV Paris-Brest.
Le second viaduc, celui de la RN 12, construit en 1973, fait 59 mètres de hauteur. Si les viaducs sont courants en Bretagne, tant sur le réseau SNCF que sur les autoroutes bretonnes (en fait des voies expresses), ce qui fait la particularité de Morlaix, c’est que ceux-ci sont visibles depuis le centre-ville.
Tulle compte sur son territoire pas moins de dix-sept ponts sur la Corrèze. Par contre, le petit ruisseau « La Solane » qui traverse en souterrain le centre-ville historique et a sa source à 7,6 kilomètres, à 210 mètres plus hauts et avec un bassin de seulement 16 kilomètres carrés, a été à l’origine de crues meurtrières.
À faible distance, le récent viaduc de l’A89 du Pays de Tulle, au-dessus du confluent entre la Corrèze et la Vimbelle, a été terminé en 2002, il présente une hauteur de 150 mètres et une portée totale de 854 mètres, cela en impose.
Ces viaducs sont des effaceurs de relief plus que des franchissements de rivière comme les ponts.